Pourquoi installer des réseaux d’eau au Sénégal ?

C’est une question légitime que tout un chacun peut se poser : pourquoi donc partir si loin, dans un pays si différent, pourquoi dépenser son argent, pourquoi souffrir autant de la chaleur, d’un travail harassant, subir un confort bien sommaire et se nourrir pour le moins sobrement ???

 

Difficile de répondre succinctement...Je peux dire l’aventure...m’ouais, vivre une expérience forte, dans un groupe hétérogène mais animé par la même passion, aussi bien sûr, voir dans le regard des enfants et les sourires des femmes toute la gratitude d’avoir à son petit niveau amélioré leurs conditions de vie, tout ça est difficile à bien formuler.

Pour comprendre simplement faites un test chez vous.

Un beau matin coupez (discrètement) l’alimentation en eau de votre logement et...regardez le comportement naturel de votre petite famille devant un robinet qui ne coule plus, la difficulté de préparer un petit déjeuner sans eau courante, je passe sur l’hygiène corporelle et, horreur, le passage aux toilettes ! Vous pouvez toujours suggérer à votre moitié ou à vos adolescents de descendre en bas de l’immeuble ou de courir armé d’un seau à la fontaine la plus proche, si elle existe encore. 

 

Cette petite plaisanterie (que je vous conseille de ne pas trop prolonger sous peine de parricide inévitable)  vous fera comprendre mieux que tout autre discours l’immense confort que nous procurent ces réseaux d’eau  aussi potables qu’abondants sous nos latitudes !

Souvent dans les contrées où nous œuvrons la distance à parcourir pour trouver un point d’eau plus ou moins  propre se compte en kilomètres,

La “corvée d’eau” porte bien son nom, si vous êtes bien nanti l’âne tirera la charrette pour rapporter le précieux liquide au campement mais il vous faudra quand même prendre patience  et faire la queue sous un soleil de plomb avant de remplir vos jerricanes bien lourds à porter.

Il y a un autre aspect positif à notre action : Qui dit eau accessible dit possibilité de culture maraichère.

Nous l’avons constaté depuis les nombreuses années où nous naviguons aux portes du Sahel, après l’arrivée de l’eau poussent  les légumes et autres fourrages, ce qui veut dire non seulement une nourriture plus abondante et plus variée mais aussi (et surtout ?) une activité économique qui, bien que modeste, permet de se projeter un peu  plus dans l’avenir, surtout auprès des générations montantes.

 

En libérant du temps aux femmes elles peuvent s’investir auprès de leurs enfants que ce soit sur le plan de l’hygiène ou  bien l’éducation ; un enfant  qui n’a plus l’obligation de rapporter l’eau ira plus facilement à l’école.

Nous avons tous vu à la télé ces immenses barques surchargées de jeunes cherchant à fuir un monde sans horizon,

Nous en sommes en partie responsables car ce sont nos bateaux usines qui en pillant la ressource provoquent  la mort de la pêche locale qui faisait pourtant vivre des populations entières. C’est bien grâce à notre invention bien pratique appelée Internet que toute cette population jeune et éduquée voit dans quel confort nous vivons ;  comparé  à ceux qui n’ont comme avenir que la misère et le ventre creux.

 

Croyez-le, comme nous ils sont tous  attachés à leurs familles, leur mode de vie, à leur culture, à leurs paysages, aussi arides soient-ils. Mais l’appel d’un véritable avenir est bien plus puissant que tout et fait prendre des risques  mortels à toute une génération qui ne peut se projeter autrement que s’enrôler sur une barcasse instable ou  se jeter dans les bras de trafiquants cupides.

Alors, comme le fait l’Association Main dans la Main avec l’Afrique en installant des réseaux d’adduction d’eau, le but est de  donner un tout petit espoir, une toute petite lueur de vivre heureux dans son beau pays  et c’est déjà beaucoup.

Bernard CARROUCHE,